HISTOIRES SUR LA SIRÈNE GRECQUE

La mythologie grecque serait apparue vers 3000 avant J.-C sur l’île de la mer Egée, où le peuple de Crète s’est installé. Cette civilisation croyait que tous les objets de la nature possédaient des esprits, voir même des pouvoirs magiques. Avec le temps, ces croyances ont constitué les légendes alimentant la mythologie grecque, dans laquelle les objets ont laissé la place à des dieux avec une apparence humaine.

Les auteurs de la Grèce Antique mêlent histoires et mythologie. Certains textes comme l’Iliade et l’Odyssée sont considérés comme historique, mais d’autres récits ont été déformés apportant une part d’invention, d’intrigue et de mystère.

Les sirènes grecques sont évoquées dans de nombreuses œuvres littéraires mais nous vous en présenterons seulement deux, tels que L’Odyssée de Homère et Les Argonautiques de Apollonios de Rhodes.

L’ODYSSÉE3153805260_1_26_li0wmiwi

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 Ulysse et les sirènes (1891), John William Waterhouse

 L’Odyssée est une œuvre d’Homère, de nos jours on pense que cette oeuvre est une série de textes écrite par plusieurs auteurs et non uniquement par Homère. C’est un poème épique grec en vingt-quatre chants, attribué à Homère qui raconte le retour chez lui du héros Ulysse, qui, après la guerre de Troie dans laquelle il a joué un rôle déterminant, met dix ans à revenir dans son île d’Ithaque, pour y retrouver son épouse Pénélope, qu’il délivre des prétendants, et son fils Télémaque. Au cours de son voyage sur mer, rendu dangereux par le dieu Poséidon, Ulysse rencontre de nombreux personnages mythologiques, comme la nymphe Calypso, la princesse Nausicaa, les Cyclopes, la magicienne Circé et les sirènes. Nous parlerons ici du passage de Ulysse vers l’Ile des sirènes. Pour comprendre ce passage de L’Odyssée, il faut se débarrasser de l’image de la sirène qui s’est imposée depuis Andersen (lire « La petite sirène »). Il ne s’agit pas ici de créatures aquatiques à queue de poisson, mais de véritables monstres ailés, tenant à la fois de la femme et de l’oiseau.

HOMERE3153805260_1_26_li0wmiwi

Homère est réputé pour avoir été un aède (poète) de la fin du VIIIe siècle av. J.-C. Il était homeros_mfa_munich_272simplement surnommé « le Poète » par les Anciens. La place d’Homère dans la littérature grecque est tout à fait majeure puisqu’il représente à lui seul le genre épique à cette période : l’Iliade et l’Odyssée lui sont attribuées dès le VIe siècle av. J.-C comme  les deux premières œuvres de la littérature occidentale, ainsi que deux poèmes comiques, la Batrachomyomachia et le Margitès, et les poèmes des Hymnes homériques.

LE CHANT XII

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«  Nous passons en vitesse. Mais les Sirènes voient ce rapide navire qui bondit tout près d’elles. Soudain, leurs fraîches voix entonnent un cantique : « Viens ici ! viens à nous ! Ulysse tant vanté ! l’honneur de l’Achaïe !… Arrête ton croiseur : viens écouter nos voix ! Jamais un noir vaisseau n’a doublé notre cap, sans ouïr les doux airs qui sortent de nos lèvres ; puis on s’en va content et plus riche en savoir, car nous savons les maux, tous les maux que les dieux, dans les champs de Troade, ont infligés aux gens et d’Argos et de Troie, et nous savons aussi tout ce que voit passer la terre nourricière. » Elles chantaient ainsi et leurs voix admirables me remplissaient le cœur du désir d’écouter. Je fronçais les sourcils pour donner à mes gens l’ordre de me défaire. Mais, tandis que, courbés sur la rame, ils tiraient, Euryloque venait, aidé de Périmède, resserrer mes liens et mettre un tour de plus. Nous passons et, bientôt, l’on entend plus les cris ni les chants des Sirènes. »

ANALYSE

Nous allons voir comment Homère a décrit les Sirènes dans son récit et comment il les a interprété.

Tout d’abord ,ce chant XII parle du passage de Ulysse vers l’Ile des Sirènes, où on lui avait dit de faire attention à elles car quand elles voient un navire arriver, celles-ci se dépêchent de sortir.

Ici dans l’Odyssée, ce sont donc Homère et son équipage qui doivent affronter leur chant. Pour cela, Homère va ordonner à ses compagnons de l’attacher au mât de son bateau pour ne pas succomber au chant de ces Sirènes. Son équipage, lui, va se mettre de la cire dans les oreilles pour ne pas les entendre.

Une fois passés devant, les Sirènes arrivent, chantent et demandent avec insistance à Ulysse de les rejoindre « Viens ici ! Viens à nous ! » elles l’ordonnent de venir vers elles en le complimentant, par exemple aux vers 2-3 « Ulysse tant vanté ! L’Honneur de l’Achaïe ! » ce qui, comme nous l’avons vues dans la présentation, est un des atouts des Sirènes de flatter et séduire les marins. Mais là, les Sirènes tentent de flatter Ulysse qui est le commandant du bateau en citant ses exploits car le plus important est de le flatter lui.

Encore après, elles donnent des ordres pour l’inciter davantage à les écouter « Arrête ton croiseur : viens écouter nos voix » (vers 3- 4) et elles le préviennent qu’il est impossible de ne pas les écouter chanter, elles dissuadent Ulysse de lutter contre elles au vers 4 -5 : « Jamais un vaisseau n’a doublé notre cap, sans ouïr les deux airs qui sortent de nos lèvres « .

De plus, d’après elles, leurs chants sont « riches en savoir » (vers. 5 -6) pour persuader Ulysse que si il les écoute il a tout à gagner : il deviendra heureux et même riche.

Pour finir, elles disent savoir ce qui est arrivé  » car nous savons les maux, tous les maux que les dieux, dans les champs de Troade, ont infligés aux gens et d’Argos et de Troie, et nous savons aussi tout ce que voit passer la terre nourricière  » (vers.6 -8), pour encore une fois séduire Ulysse en disant qu’elles comprennent ses problèmes et que ce qui est arrivé à Troie est injuste pour par la suite l’emmener au fond des océans. Celui-ci est donc à la limite de céder à la tentation car il dit « Elles chantaient ainsi et leurs voix admirables me remplissaient le cœur du désir d’écouter. » (vers 8-9)  et ordonne à ses gens de le détacher du mât mais Euryloque et Périmède sont venus lui resserrer ses liens pour qu’il ne succombe pas aux chants des Sirènes. Il s’en vont et les Sirènes échouent.

CONCLUSION

Pour conclure, entendre les sirènes chanter fut une mise à l’épreuve pour Ulysse mais grâce à leur ruse ( la cire dans les oreilles et Ulysse attaché au mât), Ulysse a réussi à passer l’île des Sirènes mais si il n’avait pas été attaché aurait-il pu résister ? Sur le chant, on peut constater que Homère a décrit les Sirènes comme des séductrices qui savent tout ce qui se passe et utilise ceci pour noyer les marins. Il les interprète comme elles sont décrient dans la mythologie grecque, mi-femme/ mi-oiseau, séductrice, chant mélodieux avec l’île des Sirènes mais aussi surtout comme des montres marins.


LES ARGONAUTIQUES3153805260_1_26_li0wmiwi

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Orpheus (1251)

Le mythe d’Ulysse croise en effet souvent celui de Jason et des Argonautes ; l’épisode des Sirènes en particulier propose une variante intéressante. Dans ses Argonautiques, Apollonios de Rhodes raconte au IIIe siècle avant JC comment la nef Argo a pu franchir l’écueil sans l’aide d’une déesse telle que Circé. Plus tard, le poème des Argonautiques orphiques complète l’épisode en racontant, par la bouche d’Orphée, comment les Sirènes furent vaincues.

APOLLONIOS DE RHODES3153805260_1_26_li0wmiwi

Apolloniosapollonius de Rhodes est un poète et grammairien grec. Il quitte Alexandrie où il est né en 295 av.J.-C et s’établit à Rhodes où il enseigne la rhétorique et la grammaire et devient citoyen de Rhodes. Il a compose une longue épopée, les Argonautiques, qui traite de la quête d’Ulysse pour la Toison d’Or. Les Argonautiques étaient très appréciées des Romains, et ont été une source d’inspiration notamment pour Valerius Flaccus dans la composition de ses propres Argonautiques. Apollonios de Rhodes était considéré comme l’un des sept poètes de la Pléiade poétique.

CHANT IV

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 » Le lendemain, aussitôt que l’aurore eut frappé de ses rayons le sommet des cieux, on se rembarque à la faveur du zéphyr, on lève avec joie les ancres et on déploie les voiles. Le vent qui les enfle porte bientôt le vaisseau à la vue d’une île couverte de fleurs, et d’un aspect riant. Elle était habitée par les Sirènes, si funestes à ceux qui se laissent séduire par la douceur de leurs chants. Filles d’Achéloüs et de la Muse Terpsichore, elles accompagnaient autrefois Proserpine et l’amusaient par leurs concerts avant qu’elle eût subi le joug de l’hymen. Depuis, transformées en des monstres moitié femmes et moitié oiseaux, elles étaient retirées sur un lieu élevé, près duquel on pouvait facilement aborder. De là, portant de tous côtés leurs regards, elles tâchaient d’arrêter les étrangers qu’elles faisaient périr en les laissant consumer par un amour insensé.  » 

Les Argonautes, entendant leurs voix, étaient près de s’approcher du rivage, mais Orphée prenant en main sa lyre, charma tout a coup leurs oreilles par un chant vif et rapide qui effaçait celui des Sirènes, et la vitesse de leur course les mit tout à fait hors de danger. Le seul Butés, fils de Téléon, emporté tout d’abord par sa passion, se jeta dans la mer, et nageait en allant chercher une perte certaine, mais la déesse qui règne sur le mont Éryx , l’aimable Vénus, le retira des flots et le transporta près du promontoire Lilybée.

ANALYSE

Nous allons également voir dans ce récit, Les Argonautes comment De Rhodes a décrit les Sirènes dans son récit et comment il les a interprétés.

Au début du récit, il est raconté qu’autrefois, les sirènes n’étaient pas des monstres, elles étaient de simples femmes qui aimaient chanter « avant qu’elles eussent subi le joug de l’hymen » (vers 6), mais après leur mariage, elles se sont transformées en monstre « moitié-femmes et moitié-oiseaux » (vers 6-7). Elles se trouvent sur une île, « sur un lieu élevé » (vers 7) afin de mieux les apercevoir au large de la mer. Leur but était d’attirer les étrangers qui s’approchaient trop d’elles, de les charmé et les laisser mourir par cette amour « insensé ». Le fait qu’elle se soit transformé en monstre après le mariage, nous révèle que les sirènes n’ont pas été heureuses, et qu’elles ont souffert à cause de l’amour. Elles ont été si malheureuse qu’elles voulaient séduire tous les étrangers qui venaient à elles et les laisser périr à cause de leur amour, cela renforce l’idée qu’elles ont subi une grande tragédie, un grand traumatisme.

Les Argonautes s’approche de l’Ile des Sirènes, décrite comme « une île couverte de fleurs, et d’un aspect riant » (vers 3), ce décor n’est qu’une mascarade pour tromper les marins qui passent par cet endroit, afin qu’ils soient aveuglés par ce « bel aspect », cette mise en scène, sans se douter des intentions des sirènes. Cette belle île peut représenter l’âme des sirènes avant qu’elles ne deviennent des monstres, c’est-à-dire l’esprit d’une jeune femme heureuse.

Les marins entendaient leurs voix et s’approchaient de plus en plus du rivage. Pour empêcher l’hypnose des marins, Orphée prit sa lyre et chanta afin « d’effaçait » (vers 11) le chant des sirènes et pour que les hommes ne l’entendent plus. Malheureusement, Butés a succombé à la tentation et se jeta dans la mer, et nage en « allant chercher une perte certaine » (vers 22), comme s’il était conscient de son mauvais choix, mais que par amour il voulait quand même le faire. Malgré cela, Vénus décida de sauver Butés en le mettant loin des sirènes, qui ont échoué, vaincues par Orphée.

 

CONCLUSION

Dans cette histoire on peut voir que  De Rhodes a mit plus en avant les sirènes grecques que dans l’Odyssée car il apporte plus de détails sur elles, par exemple comment elles sont apparues mais aussi comment est leur île.  Elles chantent également pour séduire les marins et les tuer, mais cette fois, les Sirènes sont devancées par Orphée en jouant de la lyre et en chantant. L’auteur a interprété ici les Sirènes comme des montres marins, exactement comme dans l’Odyssée, en respectant donc la mythologie grecque mais en les faisant mourir par l’ennemi.